Dans l’imaginaire collectif, le mot “hypnose” est teinté de représentations contradictoires et parfois négatives. J’entends souvent en cabinet des questions comme : “vais-je perdre le contrôle et dire des choses que je ne veux pas partager ?”, ou “allez-vous rentrer dans ma tête ?”, sans oublier le fameux “vous allez me manipuler et je vais faire la poule !”.
Je le dis d’emblée : ces idées sont fausses. Elles sont héritées de l’hypnose de spectacle, mais l’hypnose thérapeutique est à l’opposé et est une méthode sans danger. Voyons cela ensemble.
Alors, peut-on vous manipuler sous hypnose ? La réponse est paradoxale : oui… mais seulement si vous le souhaitez. L’état d’hypnose se caractérise par une forte suggestibilité, c’est-à-dire que nous sommes plus disponibles à faire des expériences nouvelles. C’est d’ailleurs en cela que c’est très thérapeutique. Un problème étant souvent une répétition de schémas qui ne sont plus utiles, l’ouverture et la nouveauté permettent d’en sortir !
Néanmoins, votre inconscient n’est pas auto-destructeur : il ne prend pas en compte les suggestions qui pourraient lui nuire. Et même, il vous alerte pour que vous puissiez consciemment dire “non”.
C’est là toute la différence avec la manipulation. Dans la manipulation, le sujet sous emprise perd ses moyens de décider pour lui-même. En hypnose, au contraire, le·la patient·e voit son champ des possibles s’élargir. Et surtout : en séance, vous êtes en pleines capacités, à tout moment, de sortir de l’état hypnotique de suggestibilité. Vous gardez le contrôle !
C’est pour cela que ce n’est pas tant l’outil qui est important, mais le·la praticien·ne qui vous accompagne. C’est la perspicacité de l’hypnothérapeute à comprendre votre système et votre rythme qui fait toute la différence. Un·e bon·ne thérapeute vous donnera l’impression qu’il parle votre langage, non qu’iel vous pousse dans un chemin qui vous semble inapproprié ou sur lequel vous n’êtes pas prêt·e à aller.
Car rappelons-le : c’est vous-même qui créez votre état d’hypnose (j’en parle ici). Le travail de l’hypnothérapeute n’est donc pas de vous manipuler, mais de vous aider à vous auto-suggérer de manière bénéfique. Son travail est d’entendre où vous souhaitez aller, et de vous y accompagner. Comme un·e bon guide de montagne ! Pas en vous traînant de force par le col, mais en vous montrant la richesse du paysage et les astuces pour parvenir en toute sécurité au sommet.
Mais alors, vous me direz : qu’en est-il pour ces personnes qui se retrouvent à “faire la poule” devant Mesmer à la télé ? Et bien aussi surprenant que cela puisse paraître : ces gens-là en avaient envie. Ils n’ont pas été manipulés, ils ont juste été encouragés par le dispositif du spectacle (qui n’est pas un cadre de thérapie !) dans lequel ils se sont engagés volontairement. Les personnes qui assistent à ces shows ont un désir, plus ou moins conscient, de vivre quelque chose de sensationnel. Oublier leurs rôles sociaux, être sans angoisse sous les projecteurs, faire rire un public…
Cette hypnose de spectacle est avant tout exercée pour impressionner le public, et pas tant pour aider le sujet lui-même. Il faut que la transe se voie à l’écran, que les états soient excessifs et grandioses. Il n’y a donc pas beaucoup de place à ce que l’on appelle l’écologie personnelle, c’est-à-dire le respect du fonctionnement intérieur de l’individu.
C’est pour cela que les cas d’hypnose qui tournent mal sont le plus souvent vus dans les spectacles. Car il n’y a pas d’adaptation fine et nuancée à la personne et sa transe, et surtout la demande (faire un show) ne vient pas d’elle mais de l’hypnotiseur. En cabinet, une grande partie du travail de l’hypnothérapeute consiste à vous faire préciser, voire même réaliser, ce que vous voulez profondément et comment la thérapie peut vous y aider.
Ceci étant dit, l’hypnose n’est peut-être pas le meilleur outil thérapeutique pour tout le monde ou tous les cas de figures. Dans les cas de psychoses par exemple, qui se caractérise par une perte de repères quant à ce qui est réel ou non, il sera préférable d’ancrer les personnes dans leur environnement plutôt que de les encourager à explorer leur imagination.
L’hypnose est très puissante pour traiter les douleurs, notamment chroniques. Néanmoins, tout praticien sérieux demandera au patient de d’abord consulter un médecin pour avoir un diagnostic. Car l’hypnose ne peut pas tout “guérir”, mais elle permet de travailler son rapport à la souffrance et de l’atténuer efficacement.
Enfin, l’hypnose n’est pas recommandée à quiconque espérerait “retrouver des souvenirs enfouis”. La mémoire est un phénomène complexe et il est facile de créer de faux souvenirs. Ce n’est pas un souci en soi, nous le faisons tous les jours sans même nous en rendre compte.
Et l’hypnose n’est pas responsable de ce phénomène ! C’est le fonctionnement normal de notre cerveau qui s’emmêle de temps en temps, et parfois même de manière collective (on parle alors de “l’effet Mandela”). En thérapie, nous n’allons donc pas chercher à “déterrer” des souvenirs, mais nous travaillons sur l’empreinte émotionnelle qu’ils ont laissé sur nous, sans essayer d’en tirer “la vérité”.
En conclusion : si vous avez envie d’essayer l’hypnose mais que vous avez des questions ou hésitations, le mieux est d’en parler avec votre praticien·ne ! Le plus important est que vos attentes quant à la méthode soient investies, sereines et réalistes.